Les espaces de travail mathématique de l'analyse pour les enseignants de mathématiques au Chili et en France: Indentification et construction
Le projet C13H03 est coordonné par Alain Kuzniak et Laurent Vivier en France, et par Elizabeth Montoya au Chili. Il implique l'université Paris-Diderot (LDAR) et l'Université Pontificale et Catholique de Valparaiso
Activités et articles liés au projet
Contacts :
Veuillez changer le # par @ dans l'adresse mail avant d'envoyer votre courriel
Le projet, programmé sur une durée de 3 ans (2014-2016), est en partenariat entre le LDAR et l’équipe de didactique des mathématiques de l'Institut Mathématique de la PUC de Valparaiso au Chili. Les liens entre les deux équipes remontent au début des années 2000 avec notamment un premier projet ECOS-Sud (2003-2005) sur la géométrie.
L’objectif principal du projet est d’analyser l’Espace de Travail Mathématique, ETM, dans le domaine de l’analyse des professeurs en formations initiale et continue, au Chili et en France, avec la perspective d’élaborer des ressources pour la formation et l’enseignement.
Dans un premier temps nous analyserons les ETM idoines en formation initiale et au lycée et nous développerons le cadre des ETM dans le domaine de l’Analyse, dans les dimensions épistémologiques et cognitives, avec l’identification de paradigmes. Pour l’ETM idoine aussi bien que les ETM personnels des enseignants, nous nous appuierons notamment sur des entretiens d’enseignants de mathématiques. Puis, des situations didactiques seront élaborées, proposées et analysées en formation initiale et continue en tenant compte de nos premières analyses.
Nous faisons l’hypothèse que la maîtrise du sens en analyse suppose une flexibilité entre différents domaines mathématiques que les seules connaissances algébriques mises en œuvre dans le calculus ne suffisent pas à donner. Dans cette optique, l'étude s'appuiera aussi nécessairement sur la prise en compte des connaissances anciennes, les autres domaines mathématiques en jeu, ainsi que sur les dialectiques du local et du global, de la valeur exacte et de la valeur approchée, du discret et du continu.
Les débuts de l’enseignement de l’analyse
Les recherches en didactique des mathématiques se sont majoritairement préoccupées des notions élémentaires qui sont introduites dans la scolarité obligatoire (nombres entiers, décimaux, fractions, algèbre, géométrie). Néanmoins, bien qu'elle n'apparaisse que tardivement dans le curriculum, l'analyse et son enseignement ont retenu l’attention des chercheurs. L’analyse est, en effet, un domaine tout à fait nouveau à la fin du lycée, mais elle peut être cependant vue comme l’aboutissement d’un long projet d’enseignement qui s'appuie sur la proportionnalité, les graphiques, les équations de droite, les notions de pente, de tangente pour aboutir à la dérivation ou encore le passage des grandeurs à l’intégration.
Si l’analyse peut être considérée comme un champ mathématique à part entière, il est difficile de le concevoir comme un domaine autonome tant les liens avec les autres domaines sont importants et les connaissances anciennes y sont nécessaires. Dans chaque pays, l’analyse et plus particulièrement l’étude des limites et des fonctions sont des questions complexes quant à l’apprentissage (Artigue, 1998) et, en même temps, elles constituent des thématiques centrales et transversales dans les programmes d’étude du lycée et de l’université. En France, l’accent est mis sur la résolution de problèmes car les procédures et notions algébriques et numériques deviennent inadéquates pour modéliser et traiter des situations internes aux mathématiques aussi bien qu’externes (physique, chimie, biologie, économie,…). Les élèves de lycée auront, pour une partie non négligeable d’entre eux, besoin de cette approche de l’analyse que ce soit dans leurs études universitaires ou dans leurs futures professions.
Cependant, ce qui est travaillé au lycée est en quelque sorte une analyse dont on aurait enlevé les fondements pour ne conserver que les méthodes : dériver ne devient qu’une suite d’opérations algébriques algorithmisées et calculer une limite revient bien souvent à utiliser ce qui est nommé « l’algèbre des limites ». C’est ce que les anglo-saxons appellent « calculus ». Or au Chili, au niveau de la transposition de ces savoirs, il a été montré les genèses mises en place ne sont pas appropriées et que l’algèbre opératoire domine l’enseignement. Au niveau de l'analyse, nous pensons également qu'il existe une déficience dans les diverses genèses convoquées dans ce domaine, et ce point constituera une des hypothèses principales de notre approche.
Bien entendu, ces procédures algébrisées sont utiles et nécessaires pour traiter des problèmes et cela pourrait suffire pour bon nombre de professions. Mais qu’en est-il du sens ? Quelle conceptualisation pouvons-nous espérer pour les élèves ? Un élève à qui on demande de calculer une limite peut utiliser les procédures algébriques pour effectuer cette tâche mais sera-t-il capable, seul, de mobiliser la notion de limite pour résoudre un problème ? Sera-t-il capable d’adapter ses connaissances ? On peut penser que l’utilisation d’algorithmes algébriques n’est pas suffisante pour lui permettre de résoudre ce type de problèmes qui nécessite un travail spécifique à l'analyse.
Ainsi, nous plaçons-nous dans une perspective d’une prise en compte dans l’enseignement au lycée des principes de l’analyse et, en premier lieu, celui de la dialectique local/global. De fait, au lycée, cette dialectique local/global n’apparaît pas – ou très peu – et le point de vue local lui-même est peu visible. La question du passage du discret au continu est également à prendre en considération, notamment parce qu’il est souvent au cœur des questions de modélisation.
La formation des enseignants de mathématiques
Au Chili comme en France, les enseignants de lycée sont formés à l’université où ils acquièrent, entre autres, des notions d’analyse qu’il s’agit de re-contextualiser dans l’enseignement au lycée. De leur côté, les enseignants de mathématiques ont eu une formation universitaire à l’analyse, et pas seulement au calculus. Cette formation est-elle suffisante pour qu’ils puissent intégrer dans leurs enseignements des éléments d’analyse dans un curriculum essentiellement axé sur le calculus? L’enjeu d’enseignement n’est ainsi pas uniquement guidé par la conceptualisation (cf. ci-dessus) et cela pose plus largement la question de la transposition des savoirs à enseigner.
Et ceci, d'autant plus que les programmes actuels ne facilitent pas ce travail de transposition. Par exemple en France, les programmes de Terminale scientifique consacrés à la notion de limite de fonctions, précisent que « Le travail réalisé sur les suites est étendu aux fonctions, sans formalisation excessive ». Au Chili comme en France, des sujets liés à l'analyse sont traités dans le secondaire. Mais ces liens ne sons pas exploités à l'université et le travail sur l'analyse est effectué sans mobiliser ces connaissances anciennes. Ainsi les professeurs acquièrent-ils à l'université les notions de l'analyse qu'ils devront recontextualiser au lycée avec une transposition qui sera largement à leur charge.
Paradoxalement, cet enseignement où il n’est pas question de formaliser la notion de limite, suppose de la part du professeur une grande maîtrise conceptuelle et épistémologique du champ mathématique enseigné. Il doit en effet appuyer son enseignement sur un discours explicatif des mathématiques en jeu mais sans pouvoir recourir au langage mathématique formalisé qu'il a appris à l'université. Ce discours, que l’on qualifie de méta-mathématique, pourra s'appuyer sur des changements de cadres et de registres pour favoriser les apprentissages. Mais cela demande vraisemblablement des connaissances mathématiques et didactiques importantes et assurées afin de pouvoir organiser et contrôler un tel discours. Ainsi, c’est la formation professionnelle des enseignants de mathématiques qui est en jeu, qu’elle soit initiale ou continue. Cela nous a conduit à mettre au cœur de notre projet, les questions centrales suivantes :
Ces questions sont évidemment à considérer en lien avec les contextes institutionnels. Au Chili, divers rapports comme celui de l’OCDE (2003), au niveau international, et SIMCE (2003, 2007, 2009), au niveau national, signalent l’importance de la formation initiale des professeurs de mathématiques ; d’un autre côté, les institutions ressentiront la pression imminente qu’exerceront les évaluations INICIA en formation des enseignants. En France, les derniers changements organisationnels pour le recrutement des enseignants et les effets que ceux-ci auront dans l’enseignement des mathématiques ont été sous-estimés.
Dans le cadre des ETM (Kuzniak, 2011) la conceptualisation est conçue comme le fruit d’une interaction entre un individu et des problèmes dans un domaine (la géométrie à l’origine, mais cela peut être l’algèbre, l’analyse ou autres), qui constitue un environnement organisé pour le géomètre (algébriste, etc.) reposant sur l’articulation de deux plans, un plan épistémologique et un plan cognitif.
Le plan épistémologique est formé de trois composantes ou pôles : representamen, référentiel théorique et artefact. Le plan cognitif est constitué par trois processus : visualisation, construction et preuve. Pour décrire l’articulation des plans, on considère trois genèses qui permettent de lier les deux plans : sémiotique, instrumentale et discursive.
On distingue également trois types d’ETM : l’espace de travail de référence, défini par la relation avec le savoir, idéalement sur des critères mathématiques ; l’espace de travail idoine, pour prendre en compte l’institution où le savoir est enseigné ainsi que la fonction visée ; et l’espace de travail personnel, propre aux connaissances mathématiques et capacités cognitives d’un sujet confronté à un problème mathématique (Kuzniak, 2004).
Pour le cadre spécifique à l'analyse, voir Publications
Année 1 (2014) : collecte des données
Année 2 (2015) : Élaboration des scénarios et applications
Année 3 (2016) : Application des situations d'apprentissage
LDAR | PUCV |
---|---|
Alain Kuzniak | Soledad Estrella |
Cécile Ouvrier-Buffet | Arturo Mena |
Fabrice Vandebrouck | Jaime Mena |
Laurent Vivier | Elizabeth Montoya |
LDAR | PUCV |
---|---|
Charlotte Derouet | Romina Menares |
Sophie Rousse | Paula Verdugo |
Carolina Henríquez | PUCV |
Raquel Barrera | UQAM |
MONTOYA DELGADILLO, E. & VIVIER, L. (2014). Les changements de domaine dans le cadre des Espaces de Travail Mathématique, Annales de Didactique et de Sciences Cognitives, 19, 73-101.
MONTOYA DELGADILLO, E. & VIVIER, L. (2016) Mathematical Working Spaces as an analyzing tool for the teaching and learning of calculus , (première version d'un article accepté dans ZDM, 2006-5).
KUZNIAK, A., MONTOYA DELGADILLO, E. & VIVIER, L. (2016) El espacio de trabajo matemático y sus génesis , Cuadernos de Investigación y Formación en Educación Matemática, 15.
Cours 2 : Le travail mathématique en analyse de la troisième au début du supérieur : identification et construction , par Alain Kuzniak, Elizabeth Montoya, Fabrice Vandebrouck et Laurent Vivier